La rupture conventionnelle permet de mettre fin à un contrat de travail en dehors des procédures habituelles de démission et de licenciement. Ces dernières sont initiées par l'une ou l'autre des parties : le salarié décide de démissionner ou l'employeur initie un licenciement. A l'inverse, la rupture conventionnelle implique le consentement mutuel : tous deux s'accordent sur les modalités de la fin du contrat qui les lie.
Créée en 2008, la rupture conventionnelle est devenue un dispositif largement utilisé pour mettre un terme à une collaboration entre un salarié et son employeur. Entre 20 000 et 32 000 ruptures conventionnelles sont signées chaque mois, d'après les chiffres de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques. En mai 2015, le nombre de ruptures conventionnelles a ainsi atteint 24 528. En 2014, le total a atteint 333 306, soit 19 000 de plus qu'en 2013.
Rupture conventionnelle de CDI
Cette procédure ne peut concerner que les salariés bénéficiant d'un CDI. Les titulaires de CDD et les intérimaires ne peuvent pas conclure de rupture conventionnelle.
Chômage et rupture conventionnelle
Pour le salarié, l'un des principaux avantages de la rupture conventionnelle est financier, et ce à double titre.
D'abord, il bénéficie d'indemnités de départ qui sont au moins aussi importantes que celles qui seraient versées en cas de licenciement. La démission, à l'inverse, ne donne droit à aucune indemnisation.
Ensuite, il peut percevoir les allocations versées par Pôle emploi, alors que, sauf exception (par exemple dans le cadre du rapprochement de conjoint), la démission ne permet pas de bénéficier des indemnités chômage.
Licenciement et rupture conventionnelle
Financièrement, le salarié bénéficie donc de tous les avantages du licenciement (indemnités de départ et allocations chômage). Pour l'employeur, l'avantage de la rupture conventionnelle est avant tout juridique. Il n'est plus utile d'avancer un motif de licenciement, qui peut toujours être contesté, pour justifier du départ d'un salarié. L'accord des deux parties réduit les risques de contentieux.
Demande de rupture conventionnelle
La procédure peut être initiée par le salarié ou par l'employeur. Dans un arrêt du 15 janvier 2014, la Cour de cassation admet que le fait que l'employeur soit à l'origine de la rupture conventionnelle, en soi, ne remet pas en cause la validité de la procédure. Le fait que ce soit l'une ou l'autre des parties qui demande la rupture conventionnelle n'influence en rien les modalités de séparation, puisque l'accord de l'autre est indispensable. La convention ne fait pas référence à la personne qui a proposé la démarche.
Procédure de rupture conventionnelle
La loi ne donne pas de procédure précise à respecter lors de la négociation. Si un entretien entre les parties est bien évidemment indispensable pour s'accorder, rien n'empêche le salarié (qui peut se faire assister) et à l'employeur de se revoir à plusieurs reprises. La Cour de cassation précise par ailleurs, dans un arrêt du 3 juillet 2013, qu'il n'y a pas de délai à respecter entre l'entretien et la signature de la convention. Une position rappelée dans un arrêt du 19 novembre 2014 validant une rupture conventionnelle signée le lendemain de l'entretien.
Ce formulaire de rupture conventionnelle dernière peut donc être signé dès la fin de l'entretien. Un exemplaire de la convention de rupture doit impérativement être remis au salarié, sous peine de voir l'ensemble de la procédure invalidée, comme l'indique un arrêt de la Cour de cassation du 6 février 2013.
Refus de rupture conventionnelle
Le salarié comme l'employeur est totalement libre de refuser une rupture conventionnelle à tout moment de la procédure. Ce refus n'a pas besoin d'être motivé. Un salarié qui décline la proposition de son entreprise ne peut en aucun cas être sanctionné.
Préavis de rupture conventionnelle
Il n'existe pas à proprement parler de préavis de départ dans le cadre d'une rupture conventionnelle. La date de la fin du contrat de travail est librement fixée par la convention de rupture. Cependant, un délai de rétractation incompressible offre la possibilité à l'une ou l'autre des parties de revenir librement sur sa décision. Ce délai de réflexion dure 15 jours calendaires à partir du lendemain de la signature de la convention par l'employeur et le salarié.
Homologation de la rupture conventionnelle
Ensuite, une demande d'homologation est envoyée à l'administration (en l'occurrence la Direccte) qui dispose de 15 jours ouvrables pour étudier le dossier et éventuellement contester la validité de la convention.
En cas de non respect de la procédure, l'administration peut ne pas homologuer la rupture conventionnelle. En 2012, 6% des demandes instruites n'ont pas été homologuées, selon la Dares. Le premier motif de refus d'homologation réside dans le niveau des indemnités versées, trop faibles par rapport au minimum obligatoire.
Motifs de rupture conventionnelle
La procédure de rupture conventionnelle n'a pas à être justifiée : aucun motif de rupture n'apparait sur la convention. Pour savoir ce qui motivait les ruptures conventionnelles, la Dares a donc dû interroger directement les salariés. 24,6% des répondants donnent comme circonstance première une mésentente avec la hiérarchie, 11,8% un projet professionnel et personnel et 8,5% évoque le niveau de salaire et/ou le contenu de l'emploi.
Indemnités de rupture conventionnelle
Le principe du calcul des indemnités de rupture conventionnelle est assez simple : celles-ci ne peuvent être inférieures à l'indemnité légale de licenciement ou à l'indemnité conventionnelle, si elle est plus avantageuse au salarié.
Dans ce calcul, le nombre d'années d'ancienneté est déterminant. Cela dit, au terme de la négociation entre salarié et employeur, le montant de ces indemnités peut être bien supérieur au minimum fixé par la loi.
En 2012, les indemnités moyennes de rupture conventionnelle s'élevaient à 6 600 euros, ce qui représente 0,47 mois de salaire par année d'ancienneté. Mais les 10% des salariés les mieux indemnisés ont touché en moyenne plus de 14 000 euros.
Rupture conventionnelle et carence
A compter du 1er juillet 2014, le système d'indemnisation chômage suivant une rupture conventionnelle connait un changement important qui affecte les salariés percevant une prime importante au moment de cette séparation à l'amiable. L'accord national interprofessionnel du 22 mars 2014 durcit les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi qui bénéficient d'indemnités supra-légales généreuses.
Jusqu'au 30 juin, le délai de carence, qui définit la période avant la première indemnisation par Pôle Emploi, est plafonnée à 75 jours. En clair, même avec de très grosses indemnités de départ, les allocations chômage sont perçues à compter du 76e jour. A partir du 1er juillet, ce délai est porté à 180 jours maximum. Cela doit concerner les salariés bénéficiant d'indemnités supra-légales de 16 200 euros ou plus.
Contestation de rupture conventionnelle
Ce n'est pas parce que la rupture conventionnelle requiert l'assentiment des deux parties que cette procédure ne donne pas lieu à un contentieux. D'ailleurs, dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour de cassation considère que les clauses de renonciation à un recours qui sont parfois insérées dans les conventions sont réputées non écrites (même si elles ne remettent pas en cause la validité de la convention en elle-même). L'employeur ou le salarié qui souhaite saisir le conseil des prud'homme pour contester la rupture conventionnelle doit le faire dans un délai de 12 mois à compter de l'homologation.
Cependant, la jurisprudence de la Cour de cassation estime qu'une situation conflictuelle n'interdit pas en soi la signature d'une rupture conventionnelle, à partir du moment où les deux parties donnent librement leur accord. Dans un arrêt du 23 mai 2013, elle précise ainsi que "si l'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties".
Rupture conventionnelle et transaction
Sous certaines réserves, une transaction entre un employeur et un salarié est compatible avec une rupture conventionnelle. Dans un arrêt du 26 mars 2014, la Cour de cassation précise les deux conditions à remplir pour que les parties ayant signé une rupture conventionnelle puissent conclure une transaction.
D'abord, la transaction doit intervenir "postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative" (ou à l'autorisation de l'inspection du travail pour les salariés protégés). Ensuite, la transaction doit avoir "pour objectif de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat, mais à son exécution sur des éléments non compris dans la rupture conventionnelle." Si la transaction porte sur les impayés d'heures supplémentaires dont il n'est pas question dans la convention, elle est valable. Si elle précise que le salarié ne peut pas contester la convention, elle ne l'est pas.
Jurisprudence concernant la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle est une procédure encore relativement jeune au regard du code du travail. C'est pourquoi la jurisprudence continue de d'apporter régulièrement des précisions sur le recours à ce dispositif. Voici quelques décisions :
La rupture conventionnelle peut intervenir après un accident du travail. Dans un arrêt du 30 septembre 2014, la Cour de Cassation précise ainsi que "sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l'espèce, une rupture peut être valablement conclue en application de l'article L. 123711 du Code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle". Quelques mois plus tôt, la haute juridiction avait déjà estimé qu'un salarié déclaré apte avec réserve pouvait tout à fait choisir de signer une rupture conventionnelle (Cass. soc. 28/05/14, n°12-28082).
Le congé maternité ne peut être un obstacle à une rupture conventionnelle. Suivant un arrêt de 25 mars 2015 (Cass.soc 25/03/15), la Cour de cassation reconnaît la possibilité de recourir à la rupture conventionnelle durant la période de suspension du contrat de travail, et dans les 4 semaines qui suivent cette période qui, jusqu'à présent, était qualifiée de période protégée.
La rupture conventionnelle peut constituer un moyen d'annuler un licenciement. Le 3 mars 2015 (03/03/15 n°13-20549), la Cour de cassation a reconnu que l'employeur et le salarié peuvent d'un commun accord renoncer à un licenciement précédemment notifié par l'employeur pour signer verbalement une rupture conventionnelle.
Information d'assistance : lors d'une rupture conventionnelle, un salarié peut être informé de la possibilité d'être assisté d'un conseiller. Cependant, la non information de cette possibilité n'annule pas la convention de rupture. Ainsi, pour la Cour de cassation, "le défaut d'information du salarié d'une entreprise ne disposant pas d'institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister ; lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative, n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun" (Cass.soc 29/01/14 n° 12-27594).
Nombre de ruptures conventionnelles
En août 2015, 26 545 ruptures conventionnelles ont été homologuées par l'administration. Il s'agit d'une baisse notable par rapport au mois de juillet où 35 396 ruptures ont été homologuées.