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Esclaves chez Mme Desbassayns

Esclaves chez Mme Desbassayns

La chapelle Pointue, où elle baptisait et mariait ses esclaves, est sa dernière demeure. Du musée toute proche, sa demeure de maître, Mme Desbassayns régentait sa propriété administrée par son fils Charles. Il avait une confiance limitée en ses gardiens et commandeurs pour tirer le meilleur parti de son entreprise de 300 esclaves. Recluse dans le Camp Villèle, soumise à une discipline de fer, cette main d’œuvre servile a légué à sa descendance un village qui constitue le véritable musée de l’histoire de l’île.

Le 16 pluviôse an II, soit le 4 février 1754, la Convention abolit l’esclavage dans les colonies françaises. La nouvelle parvient aux Mascareignes... fin août-début septembre 1794 seulement. Pourtant, tout comme l’île de France, la Réunion se targuera d’avoir anticipé sur cette mesure en ayant suspendu jusqu’à nouvel ordre la traite négrière dès le 7 août, l’île sœur avançant même la date du 26 février. La traite des noirs est prohibée formellement par une ordonnance royale de 1817. La révolution de Juillet fait proclamer l’égalité entre les diverses classes de la population. Peu après, l’égalité politique donne aux affranchis les droits de citoyens français. La révolution de 1848 amènera l’abolition définitive de l’esclavage dans les colonies françaises. En effet, le 27 avril 1848, Victor Schoelcher en fait voter les décrets. C’est l’aboutissement d’un combat qu’il mène depuis vingt ans. Les colons de Bourbon apprennent la nouvelle le 16 juillet. Sarda Garriga sera chargé de l’annoncer officiellement dans l’île. Le 13 octobre 1848, il débarque à Saint-Denis...

Esclaves, une force de travail

Un peu moins de trois ans plus tôt. Lorsque, le 4 février 1846, Marie Anne Thérèse Hombeline Gonneau de Montbrun veuve de Henry Paulin Panon Desbassyns décède sur sa propriété de Saint-Gilles-les-Hauts, son domaine ne s’étend pas encore du battant des lames au sommet des montagnes. Côté mer, il commence à peu près au niveau de la base de l’actuel terrain de golf. Plus bas, c’est la savane sèche, appelée "communes", que tous les propriétaires des terres attenantes utilisent comme pâturage. Côté montagne, il s’arrête au chemin de ligne. C’est la route (vers 500 m d’altitude) qui relie aujourd’hui les villages du Bernica et de la Saline. Au-dessus de cette limite, elle ne possède qu’une cinquantaine d’hectares. L’ensemble de sa propriété couvre environ 400 hectares, entre la ravine Saint-Gilles et la ravine l’Ermitage, mais n’est pas encore d’un seul tenant. Au début des années 1820, une usine sucrière y a été bâtie, à l’initiative de Charles Desbassayns. Peu après, elle fait construire une route pour la relier directement au littoral de Saint-Gilles, où se trouvent ses entrepôts. À partir de 1822, le domaine est administré par Charles, le dernier de ses fils (qui réside à Sainte-Marie) et géré sur place par un régisseur. Celui-ci est toujours un blanc, généralement un membre, un proche ou un ami de la famille des maîtres. Après la mort de Mme Desbassayns, toutes les terres seront partagées entre ses enfants. Certaines passeront ainsi aux mains de la famille de Villèle. Celle-ci reconstituera le grand domaine en rassemblant les parts des autres héritiers, puis continuera à l’agrandir en achetant plusieurs terrains avoisinants. Les 500 hectares de savane y seront rattachés après 1860. À l’origine, le domaine produit du coton, du café et des cultures vivrières. Le coton est une source de gros revenus pour ses propriétaires. Henri Paulin Panon-Desbassayns vend sa production en Europe et jusqu’aux États-Unis. En 1823, cette plante a pratiquement disparu sur le domaine, les terres des hauts lui étant moins propices que les terrains secs et sablonneux du littoral. Mais depuis plus d’un siècle, il a été avantageusement remplacé par le café qui accroît encore la richesse de la famille. En 1806, des cyclones, sécheresses et grosses pluies détruisent complètement les plantations de café, qui ne se vend plus aussi bien qu’auparavant. De plus, quatre à sept années sont nécessaires à la repousse et à la croissance des jeunes plants. Comme la France a alors besoin de sucre, tous les grands colons de l’île se lancent dans la culture de la canne. Étant déjà à la tête d’une immense fortune, Mme Desbassayns peut se faire construire une usine sucrière sur son domaine du Bernica et une autre sur celui de Saint-Gilles. Cette dernière est alors la plus moderne de tout le quartier de Saint-Paul. Plus encore que le coton ou le café, la canne exige une importante main d’œuvre. Pour nourrir la masse d’esclaves sur laquelle repose la richesse de son habitation, Mme Desbassayns cultive beaucoup de maïs et de pois, et plante aussi du manioc, en rotation avec la canne.

Le camp, un dortoir sous surveillance En 1845, quelque 295 esclaves vivent sur le domaine. Plus des deux tiers sont des créoles, nés dans l’île. Environ 20% de cette population noire sont constitués par les natifs d’Afrique, appelés Cafres, deux fois plus nombreux que les Malgaches, nés à Madagascar. Quant aux esclaves d’origine indienne, on n’en compte pas plus de trois. Leurs cases, donnant sur la rue, pour faciliter leur surveillance, sont regroupées dans un camp qui correspond aujourd’hui à la partie la plus dense du quartier de Villèle. Pendant longtemps, on a continué à appeler cet endroit "Camp Villèle". Il était entouré d’une palissade et traversé dans tous les sens par des chemins. Un visiteur l’a comparé à une cité ouvrière. Chaque famille logée dans le camp possédait quelques poules et parfois un cochon. Les esclaves pouvaient être autorisés à aller vendre à Saint-Paul les produits de leur petit élevage, sauf en cas de faute commise par ailleurs. Le matin, le camp se vidait de tous ses occupants. En dehors des deux gardiens chargés de sa surveillance, plus personne n’avait le droit d’y entrer. En 1969, les terrains de l’ancien camp ont été acquis par la commune de Saint-Paul. Ils abritaient 180 familles sur une superficie totale était de 34 hectares. Un grand nombre de ces habitants descendaient des esclaves de Mme Desbassayns. Si les anciens chemins ont été refaits ou élargis, le village a gardé la forme un peu arrondie de l’ancien camp d’esclaves. Les cases d’antan ne devaient pas être très différentes de celles des travailleurs engagés qui, après 1848, les y ont remplacés pour les mêmes activités. À en croire d’anciens habitants, les conditions de logement dans le camp ont peu évolué jusqu’au début du XXe siècle. Les matériaux de construction, en fait des matières végétales, étaient collectés sur place ou dans les environs immédiats. Leur nature et leur fragilité correspondaient bien à la fonction d’un camp : un espace destiné à des constructions légères, susceptibles d’être détruites ou déplacées à tout moment. La vie quotidienne était strictement réglementée sur l’habitation : très tôt le matin, au son de la cloche, les esclaves (enfants compris) formaient des bandes, pour se rendre à leur travail. Ils devaient regagner le camp ensemble, à la tombée de la nuit. Composés principalement de maïs et de légumes secs (pois, haricots) cultivés sur le domaine, leurs repas étaient préparés collectivement dans une "cuisine à noirs" et les rations apportées sur leur lieu de travail à la mi-journée ; le soir, la distribution se faisait après le compte rendu de la journée et la répartition des tâches du lendemain. Le dimanche jusqu’à 13 h, ils devaient effectuer les corvées, qui consistaient à tout nettoyer, à l’usine surtout, mais aussi sans doute dans les ateliers, les magasins, les parcs des animaux et tous les autres bâtiments de l’exploitation. Il ne leur restait plus que le dimanche après-midi pour se reposer. Dans le testament rédigé en 1845 de Mme Desbassayns, les "noirs de pioche" représentaient près de la moitié des esclaves, dont l’activité était clairement indiquée. Ils devaient être des travailleurs polyvalents, aptes à tout faire. Leur formation à l’exercice de plusieurs métiers était d’ailleurs la préoccupation constante de Charles Desbassayns. Ils occupaient le rang le plus bas de la petite société très hiérarchisée que formaient les esclaves. Ils alimentaient en bras les bandes affectées le plus souvent aux cultures, mais aussi (selon la période de l’année) aux autres lieux ou secteurs d’activités du domaine. Juste au-dessus d’eux, beaucoup mieux considérés, les domestiques (10% de la main d’œuvre). Les maçons et les charpentiers étaient également assez nombreux (8%). Ils appartenaient à la catégorie des travailleurs ayant une spécialité et généralement désignés par l’appellation d’"esclaves à talents".

Gardiens et commandeurs, la confiance du maître

Les gardiens étaient choisis parmi les esclaves que le maître connaissait bien ou depuis longtemps et en qui il pouvait avoir une certaine confiance. En 1845, Mme Desbassayns en avait vingt-trois, dont une dizaine de plus de 60 ans. Lorsqu’il s’agissait de femmes, on les affectait en général à des postes situés dans la cour ou près de la maison. Ce qui n’était pas pour autant une fonction de tout repos. Il fallait, chaque soir, rendre compte au régisseur de tout ce qu’on avait fait ou vu faire, prévenir les vols, etc. La gardienne de l’hôpital faisait aussi fonction d’infirmière et devait également occuper les malades, le plus souvent en leur faisant confectionner des sacs d’emballage en feuilles de vacoa. Chacun des grands secteurs du domaine était sous la responsabilité d’un gardien d’habitation. Son rôle ne se limitait pas à protéger les biens du maître contre les voleurs : il avait en plus à effectuer de multiples tâches (élagage des arbres, arrachage des mauvaises herbes, étêtage des épis secs de maïs pour en faciliter la récolte). Quand toutes ces tâches lui laissaient encore du temps libre, il devait fabriquer des cordages en fibres de choca. La nuit, il couchait sur place et devait effectuer des rondes. Dans certains cas, il bénéficiait de l’aide de chiens qui l’avertissait de toute présence suspecte. Les commandeurs étaient choisis parmi les esclaves les plus compétents dans leur domaine professionnel et qui avaient à la fois des qualités de chef et la confiance des maîtres. Ils occupaient le rang le plus élevé auquel les esclaves pouvaient prétendre. Ils étaient parfois chargés de surveiller les gardiens, de leur transmettre les ordres du régisseur et même de leur confier certaines tâches. Mais en général, leur fonction consistait à commander une bande affectée à une activité bien déterminée, aux champs, à l’usine, dans la savane ou sur un chantier. Deux d’entre eux étaient rattachés à la maison des maîtres. Le premier, appelé "commandeur de la cour", veillait à ce que les domestiques, les ouvriers et le personnel d’entretien soient toujours à leur poste et travaillent réellement. Cependant, c’était le "commandeur des domestiques" qui distribuait les tâches à ces derniers et avait autorité pour contrôler ce qu’ils faisaient. Certains commandeurs pouvaient avoir sous leurs ordres un aide de camp, aussi appelé "demi-commandeur". Les commandeurs du poulailler, des charpentiers ou des ouvriers sucriers avaient le titre de chefs. Ce que le maître recherchait chez eux, c’était leur capacité à se faire obéir et à se faire craindre des autres esclaves. Mais il exigeait aussi de leur part une totale soumission ! En dépit du soin apporté au choix des commandeurs, ces derniers ne donnaient pas tous entière satisfaction et cela nuisait au bon rendement de l’exploitation. Charles Desbassayns, chargé de l’administration du domaine de sa mère depuis 1822, trouvait toujours des raisons à ne pas leur accorder toute sa confiance : certains avaient des difficultés à se faire obéir, d’autres ne suivaient pas à la lettre toutes ses instructions. Parfois, il notait même une certaine complicité avec des contrevenants. C’est pourquoi, il met en place une organisation rigoureuse basée sur une surveillance mutuelle constante, des contrôles inopinés et répétés, des sanctions variées allant du fouet à la prison en passant par le travail du dimanche, l’interdiction de sortir de l’habitation, les fréquents changements de postes pour les gardiens, les rétrogradations pour les commandeurs. Comme le régisseur ne pouvait tout voir ni tout faire par lui-même, il lui était demandé de "se créer des yeux partout" pour que chacun, quel que soit son rang, se tienne constamment sur ses gardes. La sanction, pour une simple désobéissance, était de huit jours d’emprisonnement. Pour les fautes plus graves, c’était la mise aux fers. Mme Desbassayns aussi était ferme et sans faiblesse avec ses esclaves, exigeant d’eux obéissance et soumission.

- Villèle ou la société de plantation

Le site de Villèle nous relie à la société de plantation et au XIXe siècle marqué par la constitution des domaines sucriers. Le domaine porte la mémoire de cette organisation économique et sociale où l’esclavage, son outil humain essentiel, tient un rôle majeur. Seule représentation locale comportant les caractéristiques d’un domaine sucrier de cette époque qu’on peut visiter à la Réunion, Villèle propose aujourd’hui des ruines d’usine, une maison de maître et ses dépendances (écuries, cuisine, hôpital, etc) devenue le musée de Villèle en 1974, et la chapelle familiale. La grande maison créole a été construite par Henri Paulin Panon-Desbassayns, avec un toit plat en argamaste, une recette qu’il a rapportée d’Inde, avec des murs en pierre volcaniques et en briques cuites sur place (consolidé avec du mortier "à l’indienne" composé de chaux, brique pilée, sable, lait caillé, blancs d’œufs, beurre, huile et nombre d’autres ingrédients), contrairement aux autres grandes demeures traditionelles de l’île qui sont en bois. Achevée en 1788, elle est la troisième qu’il a édifiée en maçonnerie sur un même modèle, à l’architecture fortement marquée par le style de Pondichéry. Au rez-de-chaussée, une partie des meubles et objets d’art ayant appartenu aux Desbassayns et aux de Villèle. Dans la chambre de chambre dite "de la grande-mère", on trouve par exemple une commode et deux encoignures ramenées de Paris par son mari. Les murs du grand salon sont entièrement lambrissés de bois de tamarin, jacque et letchi. La vaisselle en porcelaine chinoise bleue et blanche trône sur la grande table à manger. La cuisine, située à côté de la maison, renferme des marmites en bronze et autres ustensiles en bois de l’époque. Près de la maison, se trouvent la prison des esclaves, l’ancien hôpital et les ruines de l’usine sucrière. La maison devenue musée souligne sa fonction de lieu de mémoire. L’ensemble du site se considère comme un outil pédagogique, qui relie le visiteur à la Réunion-longtemps, quand les maîtres et leurs descendants modelaient encore fortement l’espace public et les relations dans le quartier. Et la place et les traces des esclaves ? On devine la présence de "la seconde providence" un peu partout sur son ancien domaine, mais longtemps les esclaves ont été absents, marrons involontaires, du champ de la mémoire. La transformation muséale et l’exposition qui sera inaugurée jeudi donnent des clés de compréhension du système esclavagiste. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire.